Peinture, sculpture, littérature, musique, langue créole… La culture haïtienne, sous toutes ses formes, est foisonnante et en grande partie marquée par l’imaginaire de la religion vaudou.
C’est après l’indépendance d’Haïti en 1804, qui mit fin définitivement à l’esclavage, que l’on voit apparaître des « œuvres » typiquement haïtiennes. Ces œuvres sont d’abord inspirées par la religion vaudou, car on bat tambour lors des cérémonies, les murs des temples sont ornés de représentations de saints (confondus avec les esprits ou « loas ») et sur le sol des temples sont tracés les « vèvès », symboles géométriques personnifiant ces mêmes esprits, et qui seraient repris des dessins des Arawaks, premiers habitants de l’île. Toutefois, le vaudou a été censuré et persécuté pendant plus de deux siècles, à la fois par les premiers chefs d’Etat et par les Eglises catholique et protestante ; ce n’est que depuis les années 1980 qu’il est admis comme religion, au même titre que les autres, et que les artistes peuvent s’en inspirer ouvertement.
La musique haïtienne
La musique constitue une partie importante de la vie des Haïtiens. Les formes de cadences musicales sont variées. Le Kompa, la musique messagère, le Twoubadou, le zouk et le rythme racine forment le quatuor de base de la culture propre à l’île.
Ces musiques connaissent des évolutions pour s’allier harmonieusement à des rythmes de rumba, de jazz ou de rock.
À côté de ces formes, les musiciens sont influencés par les rythmes des pays voisins : le merengue, mais aussi le hip-hop, le ragga ou le reggae. Si certains musiciens restent sur l’île, d’autres exportent leur art dans le monde, comme Ti Jack.
La littérature haïtienne
« La littérature haïtienne est la plus vénérable et a longtemps été la plus riche des littératures ultramarines en langue française » (Léon-François Hoffman). Bien que la population haïtienne soit de langue créole et que la langue française, « butin » de la guerre d’indépendance, ne soit parlée que par une minorité d’Haïtiens, les écrivains haïtiens de langue française sont nombreux, et de plus en plus célèbres, comme le montrent les nombreux prix littéraires qu’ils obtiennent ces dernières années. Comme pour les peintres, il n’est pas possible de les citer tous !
Dès 1804, les premiers ont écrit des livres sur l’histoire de leur pays : Pierre Flignaud, Pompée Valentin, Juste Chanlatte, Beaubrun Ardouin. Puis tout au long des 19e et 20e siècles, pièces de théâtre, poésie, essais et romans ont vu le jour : Julien Lhérisson s’est rendu célèbre par son roman « La famille des Pitite-Caille », Jean Price-Mars par ses poèmes, Jacques Roumain par ses romans dont le plus célèbre est « Les gouverneurs de la rosée », Jacques-Stéphen Alexis par sa quadrilogie romancée « Compère Général Soleil, Les arbres musiciens, L’Espace d’un cillement, Romancero aux étoiles », mais dont la carrière si prometteuse a été interrompue par les balles de Duvalier ; René Depestre, connu pour son premier roman « Hadriana dans tous mes rêves », mais qui vit en exil en France ; Frankétienne, le démiurge du langage, qui mêle créole et français dans sa « spirale » langagière ; Jean Métellus, médecin et poète ; Anthony Phelps le poète ; Lionnel Trouillot, romancier et dramaturge ; Gary Victor, le chantre des sociétés secrètes du vaudou ; Dany Laferrière, qui vit au Canada et qui a obtenu l’an dernier le prix Médicis pour son roman-poème « L’énigme du retour ».
Sans oublier la tradition des contes, et la conteuse haïtienne célèbre en France, Mimi Barthélemy.
La littérature haïtienne dans une dynamique d’émancipation
Le pays d’Haïti est le fruit d’origines multiples : d’abord, pays de tribus indiennes, parmi lesquelles les Taïnos, accaparé ensuite par les colons espagnols, puis français, Haïti s’est progressivement construit en nation, grâce, en particulier, au combat libérateur de sa population d’origine africaine, majoritairement esclave et affranchie.
Haïti est donc une jeune nation qui s’est récemment imposée sur la scène politique mondiale grâce à son acte d’indépendance de 1804. Et l’histoire de la littérature haïtienne est étroitement liée aux convulsions d’une recherche d’identité, d’une quête de racines, engagée par la société toute entière afin d’asseoir une souveraineté nationale.
Une littérature du « nous »
C’est ainsi que la littérature haïtienne s’est peu à peu distinguée de la littérature modèle, la française, par le traitement de thématiques propres comme le patriotisme et la glorification des héros des guerres d’indépendance : Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines, le roi Christophe, Pétion, etc. ; l’élaboration de mythes fondateurs comme dans Stella (1859) d’Emeric Bergeaud, premier roman haïtien. La thématique du « préjugé de couleur » est constante dans les pièces de théâtres, poèmes et romans : « Le Fils du Noir », « Choucoune » d’ailleurs écrit en créole, poèmes d’Oswald Durand ; et même des romans, dits exotiques parce que le cadre se situe hors d’Haïti, comme Francesca (1873) de Demesvar Delorme ou La Chercheuse (1880) de Louis-Joseph Janvier, ou Le Damné (1877) évoquent les problèmes d’amour en lien avec les préjugés raciaux. La quête de la loi, de repères est inscrite dès le premier roman haïtien. Ces préoccupations moralisatrices se manifestent à travers la prédilection pour les fables, les proverbes, les contes hérités de la tradition créole. C’est ce qui va justifier le large emploi du pronom « nous » dans bon nombre d’essais et surtout de romans.
Progressive prise en compte des « valeurs populaires »
Les valeurs de départ, incarnées par « les élites » sont naturellement celles que véhicule le monde moderne occidental : instruction dans les langues et religion (catholique) dominantes ; quête de confort par l’emploi, l’enrichissement ; maîtrise de la santé et de la sécurité qui passe par l’industrialisation croissante au détriment des valeurs rurales.
Or, très tôt, les dirigeants haïtiens et surtout les intellectuels, de Boirond-Tonnerre, aux frères Nau et Ardouin en passant par Tertulien Guilbaud jusqu’à Beauvais Lespinasse, qui maîtrisaient parfaitement la langue française, ont pris conscience du fossé qui les séparait de plus en plus de leurs concitoyens majoritairement d’origine rurale. Les difficultés de gouvernance et la force des préjugés raciaux et/ou de classes empêchaient cette population d’avoir accès aux progrès du monde moderne que promettaient toujours les dirigeants.
Dès cet instant, les écrivains ont su que la conquête de la dignité du peuple haïtien passait par la récupération de sa langue : le créole et la valorisation de mœurs propres à l’univers rural (travail agricole, loisirs, protections, sécurités, croyances, rêves et espérances qui relèvent des mœurs paysannes). Pour autant, cette dynamique n’excluait pas les tendances au mépris des classes dites « inférieures » ni la puissance des préjugés racialistes.